Lancement de la mobilisation nationale et territoriale pour le travail l’emploi et les grandes transitions

Intervention de Laurent Berger le 6 mai 2019

Monsieur le Premier Ministre, mesdames et messieurs les ministres,

Une étape importante vient d’être franchie avec la fin du Grand Débat National : le diagnostic sur la situation de crise que nous traversons depuis quelques mois est posé.

Les Français ont demandé plus de justice fiscale, plus de justice sociale, plus de justice territoriale, plus de pouvoir d’achat et un meilleur partage des fruits de la croissance.

De premiers éléments de réponse ont été apportés en décembre dernier et de nouvelles mesures ont été annoncées lors de la conférence de presse du président de la République.

Nous avons salué certaines mesures, comme la poursuite indispensable du combat contre l’évasion fiscale, la suppression de certaines niches fiscales, l’investissement dans la petite enfance, le moratoire sur les fermetures d’hôpitaux et d’écoles ou encore l’annonce de davantage de maisons de services publics, la garantie par l’État des pensions alimentaires pour les mères isolées …

Nous avons aussi vivement regretté que d’autres mesures soient absentes ou insuffisamment précises : celles concernant les hauts revenus et les plus gros patrimoines, , la baisse de la dépense publique sans réflexion sur le sens des services publics.

Pour la CFDT, l’heure n’est pas à la complainte. Nous avons des divergences d’analyse, nous les connaissons et nous savons que sur certaines thématiques, comme la réforme de l’assurance chômage par exemple, notre diagnostic et solutions sont très éloignées.

Mais Aujourd’hui, nous vous disons chiche.

Chiche pour co-construire de nouvelles solutions à hauteur d’hommes et femmes et répondre aux attentes des Français, pour faire plus et mieux. La CFDT appelait de ses vœux, depuis plusieurs mois, la tenue d’une telle rencontre. Grenelle, conférence du pouvoir de vivre,  conférence sociale ou autre…. Peu importe le nom pourvu que les intentions et objectifs soient partagés, pour enfin un véritable changement de méthode associant véritablement les corps intermédiaires.

La méthode étant fixée, le diagnostic posé, l’heure est donc maintenant aux travaux pratiques.

Une méthode qui doit nous permettre :

  • de trouver des réponses à court, moyen et long terme,
  • la mobilisation de tous les acteurs, nationalement et territorialement. Dans ce cadre, la CFDT regrette vivement l’absence d’associations de solidarité qui auraient permis d’articuler toutes les dimensions du quotidien pour les citoyens : se loger, se déplacer, se nourrir, travailler
  • de co-construire des solutions. Aussi, pour la CFDT l’existence de réelles marges de manœuvre doit être garantie.

Pour la CFDT et les 18 autres organisations signataires du Pacte du pouvoir de vivre, nos priorités s’inscrivent dans les 66 propositions du Pacte.

Nous avons besoin de réponses nationales très concrètes à court terme sur les 5 priorités suivantes :

1. Accélérer la rénovation thermique des bâtiments, créatrice d’emplois

2. Favoriser le retour à l’emploi en renforçant l’accompagnement personnalisé. Notre maitre mot, depuis de nombreuses années, est de faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin.

Cela passe notamment par :

  • un Conseil en évolution professionnelle (CEP) pour tous les actifs un accompagnement renforcé et global consolidé selon les besoins et non les statuts
  • faire de l’accompagnement des personnes en activités réduites un enjeu majeur avec des solutions en termes de mobilité, de transport et de garde d’enfants, et bien entendu d’accès à la formation développer l’accompagnement des parcours de formation pour viser une certification et en intégrant des actions de formation en situation de travail .
  • un meilleur accompagnement des entreprises : en leur permettant de clarifier les offres, de les appuyer dans les recrutements, notamment pour les petites entreprises. Attention, il faut dépasser le seul prisme des difficultés de recrutement : elles existent certes mais elles ne doivent pas occulter les questions de qualité de l’emploi (responsabilité de l’employeur)
  • un service de l’emploi efficace ancré territorialement : pour la CFDT il faut consolider la déconcentration de Pole Emploi et non sa décentralisation. C’est un enjeu d’égalité de droits et de moyens affectés sur l’ensemble du territoire. Il faut également préserver les partenariats au sein du SPE : les missions locales doivent conserver leur souplesse pour accompagner des publics que Pôle Emploi ne va pas chercher, avec les collectivités territoriales et d’autres partenaires.

3. Instaurer un pack mobilité jeunes 16/30 ans (des droits, des infos, des conseils), avec un accompagnement spécifique, une solution logement (notamment pour les apprentis), une solution transport (prise en charge d’un A/R entre lieux de résidence permanent et temporaire, aide au permis de conduire), des informations sur les assurances. La CFDT propose également la création d’un droit à une expérience européenne d’au moins 3 mois dans le parcours de formation.

4. Instaurer une obligation pour les employeurs d’une prime transport obligatoire en l’absence de négociation d’un plan de mobilité.

5. Légiférer sur l’encadrement des écarts de rémunération dans les entreprises.

En ce qui concerne les nécessaires impulsions territoriales (justice territoriale) : l’association des partenaires sociaux est pour nous primordiale, d’abord sur les questions d’emploi, de formation et d’anticipation des grandes mutations

  • Pour que les mesures soient concrètes pour les travailleurs, il faut qu’elles soient adaptées aux réalités qu’ils vivent. La CFDT revendique qu’elles soient rendues le plus opérationnel possible au niveau territorial. Il faut donc associer fortement les partenaires sociaux au pilotage régional et organiser l’opérationnalité au niveau du bassin d’emploi.
  • La méthode sera donc essentielle pour nous : Il faut s’appuyer sur les interlocuteurs existants : il y a des commissions paritaires régionales qui s’appellent « transitions pro », c’est avec elles que le pilotage régional doit s’opérer pour associer les partenaires sociaux.
  • Cette attente est une interpellation de l’Etat mais elle s’adresse également aux employeurs. Ils viennent de faire la démonstration qu’ils ne sont pas au rendez-vous des enjeux des transitions professionnelles en refusant de s’inscrire dans la mise en œuvre du conseil en évolution professionnelle. On ne peut pas d’un côté entendre des discours sur les impacts des mutations qui s’accélèrent et la nécessité d’adapter les compétences ou encore l’impact économique des métiers en tension et en même temps fuir nos responsabilités.
  • C’est aussi dans les territoires que nous pouvons lutter concrètement ensemble contre les discriminations
  • C’est enfin dans les territoires que le déploiement des Maisons de service public devra permettre d’associer tant les fonctionnaires que les usagers.

Enfin, il faut construire des réponses pour tenir le cap de la transition juste sur le long terme, alliant justice sociale et transition écologique

Un « pacte productif pour le plein emploi » à horizon 2025 a été proposé. Pour la CFDT, il faut travailler à la construction d’un nouveau modèle non seulement productif, mais aussi concernant les déplacements et le logement avec un plan massif d’investissements : c’est un sujet de politique industrielle mais c’est beaucoup plus que cela.

La CFDT porte depuis de nombreuses années, avec des associations environnementales, le développement des Contrats de transition écologique. Des initiatives de co-construction territoriale, adaptées, qui doivent permettre d’anticiper les transitions écologiques sont déjà à l’œuvre. Ces initiatives doivent être démultipliées et élargies aux transitions numérique et technologique.

La CFDT, avec ses partenaires associatifs et syndicaux, demande un travail en profondeur avec des actions déterminées pour construire un modèle productif respectueux des travailleurs et de l’environnement.

Vous l’aurez compris la CFDT va s’inscrire dans les travaux que vous lancez. C’est notre responsabilité et nous ne la fuyons pas en nous cachant derrière des jeux de posture ou de désaccord. Mais cela implique de la loyauté dans les échanges qui auront lieu dans les  semaines et mois à venir. Alors seulement nous pourrons dire que la méthode a changé. C’est notre volonté la plus forte.